Roseman Robinot

Mémoires d’ébène

Luis Pannier

Le dispositif de l’oeuvre présentée dans ce catalogue, est une installation qui comporte une série d’images de petits et moyens formats, s’articulant autour de l’idée de mémoire, de traces, de marques, d’empreintes. Dans mon travail, j’ai utilisé l’empreinte depuis 1987 ; comme technique d’abord, puis au fil des années, elle est devenue pour moi un concept illustré par la répétition et l’accumulation d’un motif. Motif que je regarde comme le témoignage car tout ou à peu près tout dans notre quotidien participe de notre histoire, laisse une empreinte, une trace, une marque, qui nous construit une personnalité, une identité, que le paysage renforce. Corps et paysage de ce fait sont pour moi intimement liés comme le signale Merleau–Ponty. Le lieu imprime l’Être au plus profond de lui-même, et indépendamment de lui. Pour ce travail, il m’a paru tout naturel, d’accumuler des traces pour signifier un réel, pour donner ou provoquer des ressentis. Il s’agit ici de la représentation de corps serrés les uns contre les autres, dans un espace réduit, une cale de bateau qu’il fallait combler pour assurer le rendement du voyage et du butin acquis.

Corps jeté
Corps livré
Corps vivant
Corps soumis
Corps réel, visible
Corps actif
Corps d’homme
Corps de femme
Corps d’Être-Nature
Malmené

Il s’agit alors de la reconstruction des corps meurtris, avilis, déshumanisés, victimes de la traite négrière ; et de leur descendance, de leur histoire et de celle de l’Humanité. Il s’agit aussi de la reconstruction de mon propre corps, car lorsque j’ai commencé cette série d’empreintes au pinceau, j’étais hospitalisée et je me déplaçais en fauteuil roulant suite à un grave accident de la circulation routière. Nous étions en pleine commémoration de l’abolition de l’Esclavage et de la Traite. Et chaque jour, je regardais les émissions historiques sur le thème. Je voulais poursuivre une oeuvre sur la Mémoire que j’avais commencée en 1996, qui témoigne de la déportation d’hommes, de femmes, d’enfants africains vers l’Europe et les Amériques. J’étais moi-même enfermée dans un corps arrêté par un violent accident. J’avais besoin de peindre, pour rester en vie. J’ai tout naturellement transcrit le geste d’essuyage que faisaient les infirmières pour panser mes plaies. J’ai fait des marques, trait après trait, au pinceau en pensant à ces hommes, ces femmes, ces enfants transportés. Trait après trait, je tentais ainsi de reconstituer ces corps en lutte, tout autant que le mien. J’ai frotté le papier délicatement, écrasé le pinceau, procédé à une répétition comme s’il était question d’écrire une histoire, de la donner à voir, à re-garder, à entendre, et à raconter, car il s’agit ici d’un travail sur l’idée du deuil quotidien à faire pour avancer.

Le geste
Court,
Ponctué
Répétitif

J’ai accumulé volontairement dans un espace réduit des signes-stigmates d’une vie belle en raison des actes que chacun pose dans un monde qui continue de se construire.

Corps fortifié
Corps-présent,
Corps libéré
Corps libre
Corps vivant
21 x 27 cm
40 pages en couleur
Bilingue Français-Anglais
Broché à rabats

www.robinot.com

 

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