Laurent Dauptain – Le sujet n’est pas le sujet

Mot de l’éditeur :

« Le sujet n’est pas le sujet. » Cette formule énigmatique d’Évelyne Artaud ouvre une brèche dans notre perception de l’œuvre de Laurent Dauptain. Dans ce paradoxe apparent se loge toute la quête d’un peintre qui, depuis plus de cinquante ans, s’acharne à se peindre lui-même. Face à ses autoportraits monumentaux, nous sommes pris de vertige : est-ce lui ou nous qu’il regarde ?

Plus de mille autoportraits de 1975 à 2024 ! Cette répétition obsessionnelle, loin du narcissisme, révèle une chronique intime du temps qui passe. Dauptain documente son vieillissement avec une rigueur presque scientifique. « J’aime bien que le processus soit exposé », confie l’artiste, dont les multiples couches de peinture successives racontent leur propre histoire. Le fusain transparaît sous l’acrylique, l’huile recouvre parfois sans effacer. Comme chez Rembrandt qu’il vénère, le visage devient terrain d’expérimentation existentielle. Mais chez Dauptain, les formats titanesques – jusqu’à 195 x 130 cm – transforment l’autoportrait en présence écrasante, en miroir démesuré où nous nous perdons.

Cet amoureux de la peinture du 17e siècle se révèle paradoxalement le plus subversif des modernes. En 1983, il invente avec ironie le mouvement « néo-pompier », retournant les conventions contre elles-mêmes. Quand ses pairs déconstruisent, lui reconstruit en citant Velázquez, Caravage, Van Dyck. Sa modernité réside dans ce geste : réhabiliter la tradition pour mieux saisir notre époque. « Je constate qu’à aucun moment je n’ai été lâché par cette nécessité intérieure de peindre », avoue-t-il, même dans les années difficiles où le marché l’ignorait.

La photographie, d’abord « sœur ennemie » selon son propre mémoire, devient progressivement alliée créatrice. Des premières diapositives projetées dans l’obscurité aux mises en scène théâtrales de 2012, Dauptain réconcilie les deux médiums. Dans son atelier, il se photographie sautant, courant, disparaissant derrière ses toiles. Ces images en noir et blanc – volontairement distinctes de sa peinture colorée – offrent ce qu’il s’interdit sur la toile : l’instant fugace, le mouvement, l’ironie légère.

L’ancrage dans le réel n’empêche pas l’envol poétique. De Cachan, ce « nouveau Montparnasse » où il côtoie Bitman, Perrot, Olivier Debré, Jacques Monory ou Julio Le Parc, aux gratte-ciels de Manhattan qui renouvellent son inspiration, Dauptain capture l’essence des lieux. Les paysages urbains désolés dialoguent avec les pivoines roses dans une même urgence de présence. Quand la cataracte voile sa vue, l’artiste transforme l’obstacle en révélation : « C’était très intéressant pour les couleurs qui s’interpénétraient et qui rayonnaient. » Après l’opération, il choisit de flouter ses photographies lui servant de référence pour retrouver cette imprécision devenue nécessaire.

Cette publication témoigne d’une résistance. Dans un monde qui nous somme de disparaître dans l’agitation permanente, Dauptain oppose l’arrêt brutal sur image. « Les autoportraits nous épinglent », analyse Évelyne Artaud. Ils nous forcent à regarder cette « révélation terrifiante de notre trop-plein de vie ». Au fil des pages, c’est notre propre reflet qui surgit, déformé, amplifié, questionné. L’œuvre de Dauptain agit comme un miroir inversé : plus il se peint, plus c’est nous qu’il révèle.

M. B.

24 x 30 cm
224 pages en couleur
Couverture souple à rabats
ISBN 978-2-35532-452-9
40 €

 

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