Marcoleptique – Des cartes pour se perdre
Mot de l’éditeur :
« Quand je vois un nuage ou un rocher, je vois un personnage. Et je lui dis : bienvenue dans mon monde. » Cette confession de Marcoleptique révèle l’essence de sa démarche artistique, toute la générosité d’un regard qui transforme les territoires figés en créatures vivantes. À travers cette publication, nous découvrons comment quelques traits d’aquarelle, de crayon de couleur et de Posca suffisent à révéler les présences cachées qui sommeillent dans nos cartes géographiques oubliées.
Le phénomène de paréidolie devient sous sa main un véritable langage artistique. Cette pratique n’est pas sans rappeler les recommandations de Léonard de Vinci, qui conseillait de « regarder des murs souillés de taches pour imaginer quelque scène ». Mais là où Bosch ou Arcimboldo, qu’il admire, composaient entièrement leurs chimères, Marcoleptique se contente d’intervenir avec parcimonie : « Plus ça va, moins j’en fais, car si on ne voit plus la carte, ça ne sert à rien ».
Cette fascination pour les cartes porte une dimension politique subtile. Né dans une cité parisienne où cohabitaient « toutes les nationalités de la planète », l’artiste transforme le mur de Berlin en couple enlacé et fait apparaître des visages à la frontière ukrainienne. « Les frontières ne devraient pas exister », confie-t-il. À l’heure où les crises migratoires et écologiques transcendent les frontières tandis que les nationalismes se renforcent, son travail propose une contre-cartographie où les lignes de séparation deviennent des traits d’union.
Fils d’un barman et venu d’un milieu modeste, Marcoleptique a gardé de ses origines une éthique de l’accessibilité, proposant des œuvres abordables « pour qu’un smicard puisse se les payer ». Sa formation en infographie et signalétique – paradoxale pour celui qui brouille aujourd’hui les repères géographiques ! – nourrit sa technique précise et minimale. Ce n’est qu’après avoir quitté l’enseignement, en 2020, qu’il se consacre pleinement à son art, transformant atlas centenaires et plans militaires napoléoniens en un bestiaire moderne.
En parcourant ce livre, laissez-vous guider par ces cartes détournées qui, paradoxalement, vous invitent à vous perdre pour mieux vous retrouver. Car comme le suggère le titre de cet ouvrage (que l’on doit au galeriste François Vertadier – galerie Polysémie), se perdre n’est pas un accident regrettable – c’est peut-être le début d’une exploration plus sensible de notre rapport aux territoires que nous croyions connaître.
M. B.
16,5 x 23 cm
56 pages
Reliure à la japonaise, couverture souple à rabats
ISBN 978-2-35532-442-0
30 €