QUAND LES CARTES RÉVÈLENT LEURS VISAGES CACHÉS

Les éditions Lelivredart publient en juin 2025 Marcoleptique – Des cartes pour se perdre, ouvrage consacré à cet artiste français qui détourne d’anciennes cartes géographiques et plans de villes. Utilisant l’aquarelle, le crayon, le Bic et le Posca, il fait surgir des visages et créatures des lignes cartographiques, proposant une relecture poétique et critique de notre rapport aux territoires.

L’art de la cartographie a toujours fasciné. Ces documents, aujourd’hui souvent relégués au grenier face à l’avancée numérique, deviennent entre les mains de Marcoleptique des supports de création. Son travail s’inscrit dans une riche tradition artistique, où l’inattendu émerge de supports préexistants, donnant une nouvelle dimension à ces traces de notre histoire géographique.

Le détournement cartographique comme signature

Après s’être exercé sur différents types de vieux documents et planches anatomiques, Marcoleptique s’est concentré sur les cartes de géographie et plans de villes. Ses œuvres sont toutes des originaux, pages découpées dans des livres anciens, aux dimensions variables.

« C’est à l’évidence avec ces documents que s’expriment avec la plus grande réussite son imagination et son incroyable créativité », note le texte de 4ᵉ de couverture. L’artiste lui-même explique : « Quand j’aborde un plan, ce sont ses lignes qui décident du dessin. Je choisis un plan puis je le fais tourner jusqu’à ce que je voie une « histoire ». Elle apparaît toute seule. »

La paréidolie comme méthode créative

Le processus créatif de Marcoleptique repose sur la paréidolie, cette faculté qui nous pousse à reconnaître des formes familières dans des motifs aléatoires. Dans ses œuvres comme « Rendez-vous à Versailles », « Morvarc’h » ou « Le Girondas », la Corne de l’Afrique devient celle d’un rhinocéros, tandis que le Finistère prend l’apparence des naseaux d’un cheval légendaire.

« Quand je vois un nuage ou un rocher, je vois un personnage. Et je lui dis : bienvenue dans mon monde », confie l’artiste. Cette approche rappelle celle de Léonard de Vinci, qui suggérait d’observer les taches sur les murs pour y découvrir d’infinies formes.

Une critique poétique des frontières

Au-delà de leur dimension ludique, ses œuvres portent un regard critique sur les divisions territoriales. « L’artiste que les frontières hérissent les rend sensuelles, rigolardes, émouvantes. Élastiques et perméables, les voilà ainsi métamorphosées en allégories de la solidarité populaire », écrit Françoise Monnin dans la préface.

Son travail sur un plan de Berlin des années 1960 est révélateur : les deux côtés de la ville séparée par le mur forment un couple amoureux. « Sur une carte, le vide n’existe pas. Chacun des éléments représentés a besoin de tous les autres pour exister », souligne Marcoleptique.

Biographie

Marcoleptique trouve son salut grâce à un professeur d’arts plastiques au collège dans les années 1980. D’élève dissipé, il se passionne pour cet enseignement et entreprend des études d’infographie. Sa formation en typographie et graphisme lui apporte une technicité qu’il met au service de son art. Après avoir exposé à Paris dans des lieux atypiques, il présente sa série iconique sur les animaux dans le sud-est de la France avant d’être repéré au Sm’art d’Aix-en-Provence en 2017. En 2018, il quitte les toiles pour se consacrer aux supports anciens. Depuis 2019, il se dédie pleinement au travail artistique et expose régulièrement en France.

À l’heure où les frontières se durcissent et où les cartes papier disparaissent, l’œuvre de Marcoleptique offre une perspective rafraîchissante. « En attendant que le genre humain soit international, Marcoleptique rend la mappemonde fréquentable », conclut Françoise Monnin. Ce livre constitue une invitation précieuse à découvrir un artiste qui, par son regard décalé et son talent graphique, nous propose une géographie réenchantée, où les territoires ne divisent plus mais racontent des histoires universelles.