Paolo Santini : première rétrospective posthume d’un créateur polymorphe méconnu

Parution d’une monographie consacrée à Paolo Santini (1929-2020), artiste italien installé en France qui a développé une œuvre prolifique mêlant sculpture, peinture, architecture et design. Cet ouvrage accompagne l’exposition Le Monde de Paolo Santini présentée au centre d’art Altaviarama du 13 septembre au 30 novembre 2025.

Une pratique artistique protéiforme

Formé à l’Accademia Albertina di Belle Arti de Turin auprès d’Emilio Tarpino, futur architecte d’Olivetti, Santini développe simultanément plusieurs activités créatrices. Il participe aux projets du siège social de Saint-Gobain (1960), de la tour Montparnasse et des Mercuriales de Bagnolet. En parallèle, il crée des sculptures, réalise des commandes pour la cristallerie Daum et conçoit du mobilier.

Cette polyvalence interroge les frontières entre art et design. Bruno Munari écrivait : « Pour le designer, il n’existe pas d’art pur ou d’art appliqué. Quel que soit le problème, qu’il s’agisse de concevoir un verre ou un bâtiment résidentiel, il a la même importance ». Santini développe cette approche intégrée de la création, passant sans solution de continuité de la sculpture monumentale aux objets du quotidien.

L’innovation de la fonte d’aluminium

Santini explore l’usage sculptural de l’aluminium dès les années 1960. Abandonnant le fer soudé de ses débuts, il développe avec la fonderie Meneault à Vanvey une technique artisanale de fonte. Cette collaboration lui permet de créer des effets de matière inédits, mêlant surfaces brutes et polies pour générer des contrastes de clair-obscur saisissants.

« À Vanvey, se remémore Paolo en 1970 dans les pages de la Revue de l’aluminium, habite un homme charmant, Monsieur Meneault ». L’aluminium devient son matériau de prédilection pour ses sculptures les plus expressives.

La dimension apocalyptique de l’œuvre tardive

En 1989, les menaces de guerre en Irak inspirent à Santini une série de peintures sur les « désastres d’une éventuelle guerre atomique ». Ces œuvres, exposées en 1990, révèlent la dimension politique de sa création. Dès 1967, il avait réalisé Homme irradié, sculpture qu’il complétera vingt ans plus tard avec Femme irradiée. Cette hantise de l’apocalypse nucléaire traverse son œuvre depuis les bombardements d’Hiroshima et Nagasaki, qu’il découvre adolescent.

Paolo Santini naît en 1929 en Calabre. L’assassinat de son père en 1944 bouleverse sa trajectoire. Après des études artistiques à Turin, il passe sept années en Algérie (1950-1957) avant de s’installer définitivement à Paris où il décède en 2020.

Agnès Rivoal, journaliste née à Pristina, accompagne marques et créateurs dans la mise en récit de leur univers. Oscar Duboÿ, journaliste italo-français, collabore avec Architectural Digest et La Gazette Drouot.