Camille de Dumast : quand l’encre au calame révèle l’art de l’éphémère

Les éditions Lelivredart publient L’Ombre de nos danses, un livre d’art associant les dessins à l’encre au calame de Camille de Dumast aux poèmes d’Emmanuel Rondeau. Cette collaboration inédite explore la représentation du mouvement et de la disparition des corps à travers une esthétique du dépouillement. L’ouvrage paraît en tirage limité à 300 exemplaires.

Dans une époque saturée d’images, Camille de Dumast propose un art du retrait. Sculptrice et dessinatrice, elle développe une approche où les corps ne se révèlent que dans leur disparition. L’Ombre de nos danses témoigne de cette recherche esthétique particulière, fruit d’une complicité artistique de longue date avec le poète Emmanuel Rondeau.

L’encre au calame, une économie radicale du trait

Camille de Dumast maîtrise la technique de l’encre au calame, instrument traditionnel rare dans l’art contemporain. Son approche repose sur une sélection drastique : « Quelques traits d’encre bleue ou noire suffisent à faire surgir un couple, une danseuse, un corps replié sur sa solitude ». Cette parcimonie technique traduit une philosophie du geste où « chaque ligne compte, chaque vide parle ». L’artiste transpose ainsi dans le dessin « cette même quête de l’essentiel qu’elle poursuit dans la glaise », créant des œuvres aux titres évocateurs : Volupté, Songeuse, Insaisissable.

Une collaboration interdisciplinaire contre l’illustration

Le livre résulte d’un dialogue créatif entre deux amis de longue date. Camille de Dumast et Emmanuel Rondeau ont « organisé des rencontres, des regards, des conversations » entre leurs œuvres respectives. Cette approche évite l’écueil de l’illustration réciproque pour créer une conversation sur l’impossible permanence des êtres. Les amants de Dumast dansent tandis que ceux de Rondeau se souviennent d’avoir dansé.

L’art de saisir l’éphémère

L’originalité de Camille de Dumast réside dans sa capacité à « dessiner leur disparition » plutôt que les corps eux-mêmes. Ses silhouettes ne sont « jamais que des passages – un bras qui s’élance, une hanche qui pivote, deux êtres qui s’enlacent avant de se dissoudre dans le blanc du papier ». Les figures flottent dans cet entre-deux où la forme hésite entre apparition et disparition, saisissant le mouvement dans sa fugacité.

Une philosophie du vide créateur

Dans l’esthétique de Dumast, l’espace négatif acquiert une fonction active. L’artiste « sait que le blanc n’est pas absence mais respiration, que l’espace entre deux corps dit parfois plus que leur contact ». Cette conception du vide comme élément constitutif de l’œuvre s’inscrit dans une démarche contemporaine qui interroge notre rapport à la représentation. Le dépouillement devient ainsi un « contrepoint nécessaire » face à la profusion visuelle actuelle.

Camille de Dumast développe une pratique double entre sculpture et dessin. Dans son atelier décrit comme « un vaste carrousel où la terre vole entre éclats de rire et clairs de larmes », elle crée un bestiaire et des personnages qu’elle expose « comme on trimballe sa famille, avec ce mélange de concentration et d’humour qui fait les belles traversées ».

Emmanuel Rondeau « entasse des poèmes de hasard dans ses tiroirs », développant une écriture de l’instantané et de la mémoire affective qui trouve dans cette collaboration l’occasion de « se fier au cadeau des rencontres ».