Villa Seurat : le premier ouvrage sur l’histoire de cette impasse de Paris

Aux éditions Lelivredart paraît la première étude d’ensemble consacrée à la Villa Seurat, impasse du 14e arrondissement parisien qui abrita entre 1925 et 1966 une communauté cosmopolite d’artistes. Fruit de recherches dans des archives inédites, l’ouvrage dirigé par Catherine Kessedjian réunit les contributions de cinq spécialistes.

En 1925, sur un ancien terrain vague de la rue de la Tombe-Issoire, l’architecte André Lurçat fait surgir une utopie moderniste : la Villa Seurat. Façades de béton blanc, ateliers baignés de lumière, jardins et terrasses composent une voie privée qui devient rapidement le refuge d’artistes venus de toute l’Europe et des États-Unis. Cent ans plus tard, aucun ouvrage n’avait retracé l’histoire de cette impasse mythique dans son ensemble.

Une architecture de l’avant-garde

Le projet naît de la volonté d’André Lurçat de construire une maison pour son frère Jean, peintre et lissier. Entre 1925 et 1926, il édifie huit constructions incarnant l’avant-garde du mouvement moderne. D’autres architectes le rejoignent, dont Auguste Perret qui réalise en 1926 pour la sculptrice Chana Orloff sa première maison d’artiste. Perret y affirme sa conception de l’architecture : « Certains veulent être modernes. Nous cherchons à rester classique ». Face aux façades lisses de Lurçat, il compose une élévation où l’ossature en béton armé reste apparente, les briques silicocalcaires en quinconce formant un décor rythmé.

Le laboratoire de la tapisserie française

Jean Lurçat développe Villa Seurat le renouveau de la tapisserie française. Marcel Gromaire le rejoint, puis Mario Prassinos et Mathieu Matégot. Cette concentration d’acteurs transforme l’impasse en laboratoire textile où s’élabore la renaissance d’un art que l’on croyait désuet.

Une effervescence littéraire au 18

Au numéro 18, une maison conçue par un écrivain, le Roumain Peter Neagoe, devient l’épicentre de la création littéraire américaine expatriée. Henry Miller s’y installe en septembre 1934, le jour même où son éditeur Jack Kahane lui apporte le premier exemplaire de Tropique du Cancer. Il y écrit Tropique du Capricorne et la Correspondance Hamlet avec Michael Fraenkel. Anaïs Nin, Lawrence Durrell, Raymond Queneau fréquentent les lieux. Antonin Artaud occupe l’appartement avant Miller. Le photographe Brassaï, installé à l’hôtel des Terrasses voisin, documente cette vie de bohème.

Peintres et sculpteurs

Édouard Goerg et Marcel Gromaire créent Villa Seurat des œuvres majeures. Chana Orloff acquiert en 1925 deux parcelles mitoyennes. Auguste Perret construit pour elle un atelier sur trois niveaux : espace d’exposition au rez-de-chaussée, galerie intermédiaire, appartement à l’étage. La sculptrice y vit et travaille de 1926 à 1968. En juillet 1942, prévenue par son fondeur que son nom figure sur les listes de la rafle du Vél d’Hiv, elle fuit avec son fils vers la Suisse. À son retour en 1945, elle découvre sa maison saccagée, plus de cent quarante œuvres volées ou mutilées.

Une histoire restituée

L’ouvrage réunit les contributions de Jérôme Kagan sur la genèse de la Villa dans le Montparnasse de l’entre-deux-guerres, Patrick Besnier sur la création littéraire, Martine Mathias sur la tapisserie, Chantal Trubert sur l’illustration et Olivier Renault sur la musique. 

Catherine Kessedjian a conçu et dirigé ce premier ouvrage d’ensemble consacré à la Villa Seurat, s’appuyant sur des archives inédites et des recherches menées auprès des ayants droit et des institutions.